Colloque sur « AI & Faith Dialogues »
Éthique, responsabilité et dignité au cœur de l’avenir numérique
Les Lignes guides en matière d’intelligence artificielle du Gouvernorat reposent sur des piliers solides, qui ne sont pas de simples mots mais de véritables principes opérationnels.
C’est ce qu’a souligné Davide Giordano, de la Direction des télécommunications et des systèmes informatiques du Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican et membre de la Commission pour l’Intelligence artificielle. Son intervention a eu lieu lors du colloque « AI & Faith Dialogues », organisé par le Collège pontifical philippin qui s’est tenu le lundi 8 septembre. Davide Giordano a proposé un exposé détaillé pour présenter les contenus et les motivations des Lignes guides sur l’Intelligence artificielle, rendues publiques en 2024 par le Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican.
Ce discours, riche de références historiques, culturelles et éthiques, a mis en lumière une vision profonde et clairvoyante : l’intelligence artificielle n’est pas seulement un défi technologique, mais un carrefour anthropologique, social et moral.
L’intervention a débuté par une réflexion historique : chaque grande révolution technologique – de l’imprimerie à la machine à vapeur, de la révolution copernicienne à l’ère numérique – a transformé la société, apportant le progrès mais aussi des risques et des inégalités. C’est pourquoi, aujourd’hui, l’intelligence artificielle exige elle aussi une prise de position claire.
Les Lignes guides, a expliqué Davide Giordano, ne sont pas un acte symbolique, mais un choix concret et opérationnel, fondé sur des principes solides qui placent l’homme au centre de la transformation numérique.
Au cœur du document se trouvent quatre principes fondamentaux. En premier lieu, la dignité humaine : l’être humain est irremplaçable. Aucune machine ne peut ni ne doit prendre de décisions ultimes sur des questions touchant à la vie, à la santé ou à la liberté. Le médecin, le juge, le citoyen : chacun conserve son rôle irremplaçable.
Deuxièmement, le bien commun : l’intelligence artificielle doit servir l’ensemble de la communauté et ne pas être un instrument de profit pour quelques-uns. L’utilisation des données, qualifiées de « nouvelle monnaie », doit être orientée vers l’intérêt collectif, et non vers le pouvoir ou le marché.
Troisième point, la transparence : les technologies doivent être compréhensibles, explicables et accessibles. Seule la transparence peut générer confiance et inclusion. Enfin, la responsabilité : même si elle est déléguée à la machine, la responsabilité ne peut jamais être laissée à un algorithme. C’est toujours l’homme qui doit répondre.
Les Lignes guides ne se limitent pas à définir des principes généraux, elles fixent également des limites et des interdictions précises. L’Intelligence artificielle ne peut pas remplacer le jugement humain : dans le domaine juridique ou sanitaire, l’IA peut assister, mais ne peut pas décider. Un jugement ou un diagnostic requièrent empathie, compréhension du contexte et écoute : des qualités humaines qu’aucune machine ne possède. Il existe également des interdictions explicites : il est interdit d’utiliser l’IA pour discriminer, exclure ou nuire. Même involontairement, un algorithme peut devenir un instrument d’exclusion, comme dans le cas des systèmes de reconnaissance faciale ou des sélections automatisées de personnel basées sur des données biaisées.
La protection des données biométriques est fondamentale et essentielle : il est urgent de protéger des informations telles que les empreintes digitales ou les scans du visage. Ce sont des « clés uniques » et irremplaçables. Une utilisation inappropriée peut compromettre de manière irréversible la sécurité et la dignité personnelle. En matière de culture et de créativité, l’Intelligence artificielle peut soutenir la conservation du patrimoine culturel, mais ne peut pas remplacer la sensibilité artistique. Les œuvres d’art, tout comme les contenus créatifs, doivent être traités avec respect. Même les contenus générés artificiellement doivent être clairement identifiables. En ce qui concerne la justice et l’administration, l’intelligence artificielle peut aider à simplifier les procédures bureaucratiques et soutenir l’activité judiciaire (par exemple dans la recherche jurisprudentielle), mais la décision reste toujours humaine. Aucun algorithme ne doit rédiger de jugements ni décider des droits et devoirs des personnes.
Pour garantir le respect de ces directives, une Commission sur l’Intelligence artificielle a été créée au sein du Gouvernorat. Il s’agit d’un organisme opérationnel chargé de surveiller l’usage des technologies, de proposer des mises à jour des règlements et d’évaluer les risques et les effets des innovations. Une démarche concrète qui confirme la volonté du Vatican de passer de la théorie à la pratique. Dans le message du Pape Léon XIV, lu lors de l’« AI Governance Day » au sommet AI for Good Global Summit 2025 à Genève, le sens ultime de cette prise de position a été réaffirmé : l’Intelligence artificielle doit favoriser le dialogue, la fraternité et la justice, ne pas remplacer l’homme, mais l’aider à mieux vivre son humanité.
Le discours s’est conclu par un appel puissant : le véritable progrès ne consiste pas à courir plus vite que les machines, mais à protéger ce qui nous rend humains : dignité, liberté, capacité d’aimer et de servir les autres. À une époque où beaucoup se demandent si nous sommes capables de contrôler l’Intelligence artificielle, la vraie question est désormais : comment vérifierons-nous les progrès réels que nous accomplissons vers un futur éthique et humain ?
Avec ces Lignes guides, l’État de la Cité du Vatican se positionne comme une voix morale et culturelle dans un débat de plus en plus pressant. Non pour freiner l’innovation, mais pour l’orienter. Car la technologie, même la plus avancée, reste un outil. Et comme tout outil, elle doit être utilisée avec responsabilité, clairvoyance et respect de la personne.
À une époque où l’Intelligence artificielle semble promettre des solutions à tout, l’apport de l’Église rappelle à tous, croyants ou non, que le véritable défi n’est pas de construire des machines parfaites, mais de rester humains.
